080331_tir26 Ilford Delta400 Tirage numérisé
Quoi de plus poétique qu'une bouteille à la mer.
On pense plage, inconnu, voyage, trésor...
Faites le voyage avec elle, ça commence par "ACHETEE".
Franck BUTTARD
080330_tir03 Ilford Delta400 Tirage numérisé
"ACHETEE" 3 bouteilles en tout. Au supermarché payées en MasterCard avec le reste du Caddie. 1 de perdue, mais j'y reviendrai...
Je l'ai choisie pour sa forme et sa discrétion et enfin parce-que je pouvais enlever son étiquette sans altérer son esthétisme. Bref, qu'elle reste photogénique. Mais le but de cette
série n'est pas forcément l'esthétisme.
Petite ballade dans le Vercors, randonnée dans la nature avec ma bouteille...
"UTILISEE" est le nom de cette photo.
Franck BUTTARD
080330_tir05 Ilford Delta400 Tirage numérisé
La nature! Vite, partir loin du monde civilisé, se perdre dans la nature.
Respirer à plein poumon cet air raréfié des montagnes qui vous fait monter le taux de globules rouges.
Avez-vous remarqué que la trace de l'homme est omniprésente où que l'on se trouve? Les sentiers, prairies. Un toit par ci, par là. Oh, une antenne... un bipède, des vaches! Les volutes
des avions, les supers synchronisés signaux GPS qui évitent de vous perdre.
Et par terre? Quelques mouchoirs derrière des fourrés (qui seront rapidement dissous).
Et tout les petits objets qui jalonnent votre parcours? En plastique la plupart du temps: bouchons, embouts de bâton de marche/ski, cartouches. Morceaux de chaussures, bracelets, tuyaux,
câbles, cordes...
Pour en revenir à la bouteille: "OUBLIEE" sans être vide, sans mauvaise conscience...
Franck BUTTARD
080330_tir08 Ilford Delta400 Tirage numérisé
Me voilà livrée à moi-même. Heureusement qu'il m'a laissé mon bouchon. Je pourrais garder le goulot hors de l'eau et préserver l'Essence de mon être (et/ou me préserver de l'essence des
hommes).
J'ai quand même attendu plusieurs jours avant qu'un orage m'aide à m'extirper de ma flaque. La chute en contre bas fut rude, mais je ne suis pas en verre.
Les premiers kilomètres furent un calvaire. Je n'étais tout de même pas certaine que mes longues molécules de PET puissent résister contre ces roches qui ont déjà dû se délecter de tant
de créatures de l'Evolution.
De toute façon, le calme est rapidement revenu juste après être passée sous le Pont en Royans.
"EN ROUTE" est cette photo sur laquelle je pose. Première à gauche, il semblerait finalement que je n'ai pas le choix... Un destin autre que le recyclage m'attend...
Franck BUTTARD
080330_tir19 Ilford Delta400 Tirage numérisé
Je me laisse porter par le courant... La Bourne, l'Isère, Le Rhône...
Tout au long de ce parcours, je fais des rencontres. Je ne suis pas seule: oubliées, abandonnées, jetées... Que de destins tragiques. J'en voie dans des états pitoyables, contenant je ne
sais quelle substance, ayant subi je ne sais quelle torture.
Paradoxalement sur les berges peu d'hommes visibles. Quelques embarcations, plus rarement certaines voguant...
Leurs habitations sont omniprésentes. Ils sont là, c'est sûr, mais pour eux je n'existe déjà plus. En d'autres temps, le fleuve leur permettait de se déplacer, de troquer. Désormais, à
part refroidir quelques usines et à vider les glaciers...
"SUR UNE BERGE", là où je me trouve.
Tiens un homme!? Que de contorsion pour prendre une photo. Pourtant le paysage n'est pas fantastique. Ah! Mais c'est pour moi? Le bidon derrière? Non, connais pas! La vague d'une péniche
débordante de charbon nous a échoué là. La prochaine nous remettra à flot. Heu.. Vous ne pourriez pas nous recycler, parce que là nous avons un mauvais pressentiment...
Franck BUTTARD
080330_tir17 Ilford Delta400 Tirage numérisé
A la dernière crue de l'automne, nous nous sommes retrouvés enchevêtrés dans un bric à brac incroyable.
Durant tout l'hiver nous sommes restés ainsi mêlés à de l'artificiel, du naturel et du surnaturel. De temps en temps quelques quadrupèdes méfiants nous contournant, des bipèdes
indifférents, d'autres s'indignant de notre présence, mais personne nous recyclant...
Dans cette tranquillité, nous avons pu passer de longs moments d'échange: bouteilles, bidons, sacs d'engrais et d'emballages multiples, bois imprégnés d'indestructibles chimies, micros
particules, micros organismes, macros molécules, vertébrés, invertébrés, vivants, morts. Tous ayant d'une façon ou d'une autre les stigmates de l'Homme.
"DENATURE" est le nom de cette photo qui malheureusement ne peut montrer le pire, le plus dangereux mais invisible à l'objectif...
Après l'hiver et quelques rares jours de gèle, une nouvelle crue nous a remis dans le courant de ce fleuve désormais interdit à la pêche...
Franck BUTTARD
080331_tir19 Ilford Delta400 Tirage numérisé
Nous sommes sur le point de quitter le continent. Il n'y a eu finalement aucun espoir d'éviter ce destin. Certains ont pu être recyclés. Beaucoup sont enfouis, enterrés. Beaucoup encore
ont suivi notre chemin sur le Rhône ou sur la plupart des autres fleuves de la planète.
Nous disparaissons au fur et à mesure de votre vue. Dommage, j'aurai aimé être transformée en une veste polaire portée sur les épaules de l'un de vous. Démodée, vous m'auriez ensuite fait
don à une oeuvre caritative pour un pauvre et finalement, complètement usée, peut-être brulée pour réchauffer quelques temps ce misérable et sa famille... à moins que vous arriviez aussi à
recycler les vestes polaires...
"APRES 450 KM" (le nom de cette avant dernière photo), je fais une brève pause à proximité de ce port qui accueil des bateaux gigantesques, certains transportant la matière première qui
fut à notre origine.
Je vais repartir, télescopée peut-être encore par quelques proues. Malgré leur gigantisme, nous ne les craignons plus, elles n'arriveront pas à nous crever.
Franck BUTTARD
080330_tir36 Ilford Delta400 Tirage numérisé
C'était "LA MER", la dernière photo de l'aventure de cette bouteille avant qu'elle ne prenne définitivement le large vers un quelconque vortex/continent de matières
synthétiques.
Nous pouvons hypocritement penser que toutes ces quantités de plastique disparaitront. En fait, elles se fractionneront à la longue (durant plusieurs siècles) pour finir
en particules de plus en plus petites qui seront ingérées par des organismes de plus en plus petits. Nous connaissons tous l'histoire de ces tortues
qui prennent les sacs plastiques pour des méduses, mortel...
Aussi, peut-être que dans 500 000 ans des bactéries se seront enfin adaptées pour les digérer, pour qu'enfin ces molécules pétrochimiques réintègrent le cycle du carbone
qui est à l'origine de la vie sur Terre.
Dans 500 000 ans, dans notre processus d'autodestruction, nous ne seront plus là. Mais dans 500 000 ans aucune espèce de la Terre n'aura laissé autant de cicatrices à
vif.
Ce qui nous différencie des autres espèces vivantes est notre intelligence. Parions que la sélection naturelle ne refera pas cette erreur.
Franck BUTTARD
Fin de l'histoire.
Je reviens sur la bouteille perdue (épisode 2): je voulais sensibiliser sur des négligences que nous faisons tous au quotidien. En photographiant une bouteille dans le
Rhône, je n'ai pas réussi à la rattraper!
Il faut donc toujours se méfier même quand on veut donner des leçons...
Voilà une photo de l'outil (un manche avec un moulinet de pêche) qui m'a ensuite permis de ne pas reproduire cette erreur. Sinon les 2 autres bouteilles ont fini dans le
bac de recyclage en espérant qu'elles furent transformées et/ou revalorisées.
Pas de restrictions à utiliser mes photos très basse résolution. Aucune chance que vous obteniez les originaux physiquement bien classés.